« je me suis efforcée de distinguer les moments où la dénonciation publique semblait une action à la fois nécessaire et qui donnait de la puissance à celleux qui l’employaient, des moments où la dénonciation ressemblait davantage à une chasse aux sorcières, où l’énergie du lynchage collectif semblait dominer.
- je ressens de la puissance quand des efforts ont été faits pour que les personnes puissent d’abord se rendre des comptes de manière privée.
- je ressens de la puissance quand les survivant·es sont soutenues.
- je ressens de la nécessité quand les accusé·es se débrouillent pour ne pas avoir à rendre de comptes et en particulier (mais pas exclusivement) quand iels continuent à générer de la souffrance.
- je ressens de la nécessité quand la personne accusée a significativement plus de pouvoir que ses accusateur·ices et qu’elle utilise ce pouvoir pour éviter de rendre des comptes.
- je ressens de la puissance quand ce qui est exigé, c’est un processus de transformation.
j’ai l’impression d’un lynchage collectif
- quand il n’y a pas de question de posée.
- quand la guérison de la survivant·e passe à l’arrière-plan.
- quand il n’y a pas de tentative privée avant le recours à la dénonciation publique.
- quand il n’y a pas de temps entre l’accusation et la demande publique de conséquences, quand la seule conséquence pour l’accusé·e est de cesser d’exister. quand l’accusé·e appartient à une ou plusieurs groupes opprimés.
- quand cela relève du spectacle.
- quand la personne accusée d’avoir généré des souffrances fait ce que les survivant·es/la foule en colère exigent, mais qu’on continue de la blâmer.
pas d’enquête, pas de questions, pas de compte à rendre, pas de jury, pas de temps pour apprendre ou désapprendre, rien de l’espace ou du temps nécessaire à un changement authentique… seulement des conséquences immédiates et souvent insatisfaisantes ».
Texte à retrouver en entier dans le dossier “Justice transformatrice” dans le numéro 88 de la revue Multitudes, 2022. Coordination du dossier et traduction du texte : Emma Bigé, Camille Noûs.