En France, depuis les années 70-80, une large partie des revendications militantes LGBT+ et féministes reposent sur la reconnaissance étatique des violences faites à l’encontre de nos communautés. Les revendications autour du durcissement des sanctions pénales à l’égard de leurs auteur·ices se sont progressivement installées comme la seule solution valable.
Depuis 2020, en France, une tension majeure semble naître entre cet héritage punitif d’un côté et les voix de la justice transformatrice de l’autre, qui connaissent depuis 2016 un renouveau aux Etats-Unis1, se mêlant aux voix abolitionnistes antérieures.
Face à la peur d’une société largement sexiste, raciste, transphobe, validiste etc., les images télévisées et la propagande étatique en faveur de la police et de la prison ont de quoi séduire. Poser certains arguments abolitionnistes de base est ici nécessaire pour avancer.
Dans l’introduction du livre Against Equality : Prisons Will Not Protect You2, Dean Spade, professeur, avocat et militant trans, donne des argument concrets contre le système étatique3 :
Vouloir mettre à bas, entièrement et complètement le système pénal-carcéral nécessite d’avoir cette vision d’ensemble et une approche critique du discours pro-carcéral. Mais vouloir abolir la prison peut faire peur. Prendre connaissance des initiatives abolitionnistes et transformatrices existantes peut permettre de dépasser cette impression de se jeter dans le vide.
Dean Spade distingue trois sortes de stratégies suivies par les militant·es queer et trans, qui “refusent de croire aux mensonges des systèmes policiers” :
Par exemple, des projets créant du lien avec les personnes queer et trans en prison, des projets de foyers pour les personnes n’ayant pas accès à un logement etc.
Lutter contre la construction de nouvelles prisons, contre des institutions type SoFECT, lutter pour la décriminalisation du travail du sexe, des personnes immigrées, pauvres etc.
Développer l’accès aux transports, à un logement sûr, des cercles d’amitiés et de soutiens solides, des mutuelles, des centres de soin communautaire etc.
Ces différentes stratégies, mises bout à bout, finiront par rendre la prison, la police et les frontières obsolètes. Elles l’ont déjà fait à certains endroits (voir les initiatives à Minneapolis ou Durham, Etats-Unis), et pourront le faire dans nos communautés et nos villes.
La justice transformatrice et abolitionniste ne relève pas d’une destruction mais bien d’une histoire collective de création et de construction.